Homélie pour le Dimanche de l’unité des Chrétiens

(21 janvier 2018 – Temple de l’Eglise protestante unie de France – Vincennes)

Semaine pour l'unité des Chrétiens
Semaine pour l’unité des Chrétiens

Lectures bibliques : Jonas 3,1-5.10, 1 Corinthiens 7,29-31, Marc 1,14-20.

 

1-Frères et sœurs quelle joie pour moi de venir à votre rencontre ici ce matin

pour ce culte partagé et l’occasion que vous me donnez de venir prêcher tant il est vrai que l’Evangile de ce jour auquel on pourrait donner le sous-titre :

« Les débuts de Jésus »

nous rappelle cette mission fondamentale des disciples de Jésus à sa suite : prêcher l’Evangile. Je m‘appuie sur ces quelques mots entendus à l’instant :

« Après l’arrestation de Jean, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Evangile de Dieu » (Mc 1,14)

Les choses sont dites de façon extrêmement concise et forte : maintenant que le dernier prophète de l’Ancien Testament s’est effacé – Jean-Baptiste-  apparaît le prophète des temps nouveaux, le Messie, le Seigneur et sa mission est de proclamer l’Evangile de Dieu (kèrussôn to euangélion tou Théou). Au chapitre 3 lorsque Jésus instituera les douze

il les enverra pour la même mission : « proclamer la Bonne nouvelle. » (Mc 3,14)

Aujourd’hui nous n’en sommes pas encore là : deux choses essentielles nous sont dites : la mission du Fils de Dieu est de proclamer la Bonne nouvelle du Règne de Dieu et, au moment même où Jésus prêche, il s’entoure de disciples qui se mettent ainsi à son écoute, à son école,  le suivent puisque la condition du disciple est de suivre le Christ. Comme dit l’Apocalypse dans cette formule ramassée :

« Ils suivent l’agneau partout où il va. » (Ap 14,4)

2-L’ordonnancement des textes bibliques que nous avons entendus ce matin nous invite à voir en Jésus le nouveau Jonas

qui parcourt le pays, y proclame la parole divine et y invite à la conversion.

Qu’il me soit permis ici de rappeler que cette présentation de l’Ancien Testament comme figure de ce qui doit arriver a été parfaitement souligné par les auteurs chrétiens dès les premiers siècles en considérant que

l’Ancien Testament annonce le Nouveau lequel accomplit l’Ancien.

Pourtant, même si ce matin le passage de Jonas nous le montre complaisamment à parcourir la grande ville païenne –Ninive- symbole de l’idolâtrie, de la violence et de l’oppression subie par Israël, nous avons en mémoire qu’il n’était guère disposé à participer à cette œuvre de proclamation, d’invitation à la repentance considérant qu’il n’y avait rien à faire avec ces gens-là (Jon 1,3). Pourtant s’il s’est mis finalement en route,

c’est parce que lui-même s’est converti et a finalement consenti à servir le Seigneur.

Rien de tel chez Jésus bien évidemment, lui l’envoyé du Père, lui qui est sorti du « sein du Père » (Jn 1,18) comme dit Saint Jean pour cela même : venir à la rencontre de la création tout entière, des enfants de Dieu, leur manifester la tendresse infinie, le grand amour de Dieu qui s’engage ultimement dans l’histoire humaine pour la tourner définitivement dans un regard d’amour vers le Créateur, le Père éternel.

3-J’aimerais frères et sœurs conclure cette courte méditation biblique par l’intériorisation du propos d l’apôtre Paul (1 Co 7,29-31)

car alors que nous venons de découvrir l’enthousiasme –si ce mot convient à propos de Jésus puisqu’il signifie « rempli de Dieu »- nous pourrions avoir la nette impression que Saint Paul met un couvercle sur ce dynamisme en nous invitant à l’immobilisme : que vous soyez heureux ou pas, que vous ayez femme… ou mari, qu’importe, que vous travailliez ou vous divertissiez : au fond qu’importe

car la figure de ce monde passe : « sic transit gloria mundi ».

Nous voyons souvent cette inscription figurer à côté des anciens cadrans solaires…

Y aurait-il ici un relent de paganisme ou une transcription de la philosophie stoïcienne ? peut-être ! En tous les cas il y a aussi un réalisme qui pourrait s’intituler : la fragilité, la précarité humaine, la « finitude » dont Paul Ricœur a si bien parlé.

Au moment où des débats sur la bioéthique vont commencer en France, il n’est pas inutile, me semble-t-il d’avoir toujours cela en tête : nous sommes des êtres limités dans le temps et dans l’espace et sans doute nous faudrait-il renoncer au rêve prométhéen pour remplir ces limites d’une action certes elle aussi limitée mais qui -comme une scène peinte dans l’espace limité du cadre d’un tableau- inscrit de la beauté, de la justesse, du bel et bon. Saint Paul nous le dit : dans ce temps et cet espace limités, revêtons l’homme nouveau, le Christ Seigneur (cf. Ep 4,24).

C’est lui qui nous invite à donner le meilleur de nous-mêmes ; c’est Lui qui nous invite à changer de cap, c’est lui qui nous invite à épouser le monde nouveau qui est le règne de Dieu inauguré par le Christ : règne d’amour résolu, de don et de service sans cesse renouvelés, règne de la paix intérieure pour établir la paix autour de soi, règne de la vérité car nous savons que nous pouvons faire confiance en nous appuyant sur le rocher solide qu’est le Seigneur.

Je conclus par ces mots bien connus de Saint Irénée de Lyon (130-202) :

« La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ; la vie de l’homme c’est de contempler Dieu. »

Ici ce matin remettons-nous au Christ notre véritable gloire, notre lumière, la vie en plénitude.

S’appuyer et se construire sur Lui ne déçoit pas !

Père Stéphane AULARD