Homélie pour la fête de la Toussaint 2018

(Notre-Dame de Vincennes)

1-Frères et sœurs, la fête de la Toussaint n’est pas un jour chômé puisque c’est la fête du travail de l’Esprit dans la vie d’hommes et femmes qui se sont ouverts à l’œuvre de Dieu !

La fête de la Toussaint n’a rien à voir avec un Halloween à la française mélangeant dans une soupe à la grimace citrouilles, chauve-souris, squelettes ressemblant à un pantin désarticulé et toiles d’araignées ! Quel mauvais carnaval !

La fête de la Toussaint, c’est une splendeur et une vision : splendeur des bienheureux qui se rassasient de la béatitude céleste au paradis. Une des plus belles images, à mon avis, de cette vision est la scène du jugement dernier de Fra Angelico que l’on peut contempler à Florence au musée San Marco. Certes, les damnés ne sont pas épargnés, mais les saints et bienheureux sont eux entièrement tournés vers le Christ en majesté rayonnant et ils esquissent un mouvement de danse céleste dans un jardin magnifique accompagnés par les anges de Dieu qui les entraînent dans ce pas de danse et cette lumière incomparable.

La béatitude céleste n’a rien à voir avec un état d’hébétude : la béatitude est l’état dans lequel les saints se trouvent dans la claire vision du Seigneur au-delà de cette vie terrestre. Cela ne correspond-il pas à la parole ultime du Christ au bon larron « premier canonisé » de l’histoire chrétienne par le roi des rois, le Christ lui-même :

« Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis. » (Luc 23,43)

Il s’agit d’être avec le Christ totalement à découvert, si je puis dire. Il s’agit aussi de la découverte en plénitude de notre filiation divine sans aucun doute, sans aucun obstacle !

2-Il me semble que la première lecture en nous offrant un extrait de l’Apocalypse (Ap 7,2-14) –le dévoilement de la Jérusalem céleste, c’est-à-dire de l’Église parvenue au sommet de son pèlerinage, nous présente la foule immense des saints et saintes de Dieu célébrant le Christ au terme des épreuves subies sur terre à cause de son nom. Il me semble de même que la seconde lecture (1 Jean 3,1-3) nous assure que dès maintenant nous pouvons accueillir dans la foi la grâce de nous savoir enfants de Dieu, mais cela nous sera parfaitement dévoilé et révélé dans l’au-delà de cette vie et en présence de Dieu.

Que la fête de Tous les saints, frères et sœurs, nous renouvelle dans notre foi et notre espérance : la foi chrétienne révèle pleinement qui est notre Dieu créateur, rédempteur, consolateur. La fête de Toussaint nous indique l’horizon de notre vie qui est en Dieu. Quand je dis cela je ne le dis pas parce que nous aurions peur de la mort et que nous nous consolerions à peu de frais. Non, nous accueillons le mystère de la foi qui transcende le mystère de notre vie humaine pour lui communiquer sa source et son sommet : ils sont en Dieu de qui nous tenons la vie, la croissance et l’être, l’origine et le couronnement de notre existence. Vous ne croyez pas que cela est autrement plus exaltant que de sombrer dans des paradis artificiels, le divertissement perpétuel, l’humour noir qui se moque de tout et la désespérance douillette !

Il faut, chers amis, en cette fête de Toussaint nous élever, rechercher les sommets de la foi que les saints et saintes ont atteints.

3-Il faut aussi inlassablement méditer la parole évangélique : celle de notre Sauveur Jésus Christ : la parole prononcée sur la montagne des béatitudes. Le sermon sur la montagne !

En effet, il n’y a pas de béatitude céleste sans les béatitudes (Matthieu 51-12) que le Christ a prononcées non comme des sentences péremptoires –il n’est pas facile de les déclamer- mais plutôt comme les déclarations de l’amour de Dieu à l’humanité.

Les béatitudes ne sont pas des promesses en l’air ; les béatitudes sont acquiescement de Dieu, reconnaissance, encouragement, consolation adressés à notre humanité dans ce qu’elle a de meilleur :

Simplicité de cœur, compassion, douceur, solidarité, capacité de pardon, pureté, soif de réconciliation, dignité dans l’épreuve, témoignage rendu à Dieu envers et contre tout…

Il me semble que lorsque le Christ déclare les béatitudes à ses disciples qui sont les prémisses de l’Église, il leur indique le chemin de la sainteté, le chemin de la béatitude céleste : ce chemin qu’il nous recommande et que je viens de décliner en suivant les paroles du Seigneur, le Christ l’a emprunté le premier car

❖ C’est Lui dont le cœur est simple et ouvert à son Père et à ses frères.
❖ C’est Lui qui a pleuré sur nos péchés et a partagé nos tristesses.
❖ C’est Lui, nous le savons, qui est parfaitement doux et humble de cœur, miséricordieux, pur de tout péché, pacifique et debout dans l’épreuve.

Frères et sœurs, nous portons tous un prénom : celui d’un saint, d’une sainte. Apprenons de ce saint patron sa vie, son témoignage chrétien. N’en restons pas à la pâle évocation de sa fête après la météo du soir à la télévision ! Allons à la source : c’est toujours celle de l’Évangile car l’histoire chrétienne est celle des saints qui ont poursuivi le Christ dont ils forment le corps. C’est notre histoire dont nous continuons l’écriture sur les cinq continents, ici à Vincennes et partout où les disciples de Jésus Christ se trouvent spécialement dans les pays où leur témoignage est celui du sang. Bonne fête de tous les saints !

Bon chemin chrétien avec la foi, l’espérance et la charité pour gouvernail, les béatitudes comme GPS et la béatitude céleste comme horizon !

Amen.

Père Stéphane AULARD


Le Jugement Dernier
Fra Angelico, 1431
Musée du couvent San Marco, Florence