Homélie pour la messe du 11 novembre

(Notre-Dame de Vincennes)

Madame le Maire,

Monsieur le Sénateur,

Mesdames et Messieurs les adjoints,

Mesdames et Messieurs les membres de l’Association du Souvenir français,

Mesdames et Messieurs membres des associations d’Anciens combattants,

Mesdames et Messieurs les représentants des autorités civiles et militaires,

Monsieur l’Aumônier du Fort Neuf de Vincennes,

Chers frères et sœurs,

La commémoration du centenaire de l’Armistice du 11 novembre 1918 tombe cette année un dimanche : cela favorisera sans doute la participation de nos concitoyens aux célébrations qui ont lieu ici à Vincennes et partout en France comme il se doit.

La messe à laquelle nous prenons part ce matin est la messe dominicale : les passages bibliques que nous venons d’entendre sont ceux du 32ème dimanche ordinaire et ils m’ont opportunément conduit à trois réflexions que je vous livre maintenant :

Première réflexion : la veuve et l’orphelin

Sans doute le savez-vous la Bible depuis l’Ancien Testament voit dans la veuve et l’orphelin l’image particulièrement parlante de l’être humain fragile et pauvre qui nécessite qu’on le « défende » : c’était d’ailleurs le rôle hautement symbolique du roi que d’assurer cette défense à une époque où ni la Sécurité sociale ni les droits sociaux n’avaient été créés. La liturgie de ce jour met devant nos yeux une veuve avec son fils au bord de la famine donc de la mort et que le prophète Élie, homme de Dieu vient visiter et réconforter (1 Rois 17,10-16). Plus encore l’Évangile d’aujourd’hui (Marc 12,38-44) nous fait part du regard de Jésus se portant sur une veuve entrant dans le Temple de Jérusalem. Or, ce regard et les propos que Jésus tient en contemplant la veuve sont les ultimes paroles de Jésus dans l’Évangile selon Saint Marc sur un être humain pauvre. Et, l’Évangile nous montre à toutes ses pages que le Christ aime les pauvres de manière privilégiée.

Les commémorations nationales s’intéressent souvent aux soldats par lesquels la Victoire de la France est advenue et c’est fort juste. Elles font aussi mémoire des nombreux morts dans un immense devoir de mémoire que l’on ne saurait négliger. Il y eut durant la Grande Guerre près d’1 400 000 soldats français qui tombèrent au champ d’honneur, 5,5 millions de blessés, 1 117 000 invalides, soit 10 % de la population active masculine et un cinquième des hommes de moins de 50 ans. Ce que l‘on sait moins c’est que la Première Guerre mondiale plongea près de 600 000 veuves de guerre et 986 000 orphelins dans la détresse. Les conditions difficiles dans lesquelles vivaient nombre de veuves de poilus, qui ne pouvaient plus subvenir correctement à l’éducation de leurs enfants, incitèrent l’État à prendre des mesures pour leur assurer les ressources nécessaires (sources : « Chemins de mémoire » / Ministère des Armées).

Deuxième réflexion : la générosité

Ici il nous faut revenir à la seconde lecture (la Lettre aux Hébreux 9,24-26) qui mène une réflexion théologique et spirituelle sur le sacrifice du Christ présenté comme le sacrifice suprême par lequel Dieu en la personne de Jésus Christ nous prouve son amour puisqu’Il livre sa propre vie, celle de son Fils unique, pour le bien de l’humanité enferrée dans le péché. Or, ce sacrifice du Christ, sacrifice sanglant sur la Croix est l’acte ultime de la vie du Christ qui est un immense sacrifice, un don de lui-même –car c’est cela un sacrifice-. C’est la générosité de notre Dieu qui se manifeste puisque Dieu se livre tout entier à l’humanité – donc « pas seulement à son pays » pour que l’homme sorte définitivement du péché et mène à son tour sa vie comme le don de lui-même pour son prochain. Nous touchons là à l’essence même de la foi chrétienne.

Vous le savez les soldats de la Grande Guerre comme pratiquement toute la population française étaient majoritairement croyants, chrétiens et catholiques. Ils étaient assistés par leurs aumôniers prêtres qui célébraient la messe dans les tranchées, assistaient les blessés et les mourants et pour beaucoup périrent au milieu de leurs frères d’arme. On présente aussi souvent l’engagement des soldats dans les combats acharnés comme un sacrifice pour la Patrie en danger. Cela valait d’ailleurs aussi bien pour les Français que pour les Allemands ! Aujourd’hui, avec le recul nous nous demandons si ce sacrifice ne fut pas excessif. Mais, une chose est sûre, l’engagement de tous fut marqué par une immense générosité qui ne peut qu’être saluée avec grand respect par nous qui venons après.

L’Évangile de ce jour en nous montrant l’obole de la veuve dans le tronc du Temple nous parle aussi de générosité : la veuve en effet se sacrifie aussi puisqu’elle donne tout ce qu’elle a pour vivre comme nombre de ces femmes qui, à l’arrière, tout en peinant donnèrent beaucoup d’elles-mêmes dans l’effort de guerre et pour l’éducation de leurs enfants privés de pères. Jésus souligne cela et on peut dire que la veuve de l’Évangile devient une icône vivante du Christ lui-même. Cette générosité des uns et des autres ne peut que parler à des cœurs chrétiens et nous inspirer pour les temps qui sont les nôtres : la générosité est une grande manifestation de l’amour pour le prochain et elle n’a pas d’époque. Elle est pour tous les temps. Elle est gratuité, effort dans le temps, refus du calcul. Prions les uns pour les autres afin que nous soyons encore et toujours généreux !

Troisième et dernière réflexion : « Une fois pour toutes »

La Lettre aux Hébreux (He 9,26) en employant cette expression nous dit que le sacrifice du Christ librement consenti est le sacrifice indépassable par lequel l’homme est sauvé. Dieu n’attend de nous en retour que la conversion de notre cœur pour accueillir cela. On sait que l’on a présenté la Première Guerre mondiale comme la « der des ders ». Après cette guerre, on était persuadé que c’était la dernière tellement elle avait été sanglante. La conscience humaine n’en pouvant plus de tant d’atrocités faisait le pari qu’on n’y reviendrait plus jamais préférant construire la paix comme un engagement demandant de la part des politiques et des peuples une énergie volontaire pour construire la paix. Beau programme qui, malheureusement, ne fut pas suivi d’effet car les égoïsmes nationaux et le goût de la revanche primèrent !

Frères et sœurs, et aujourd’hui qu’en est-il ? La guerre semble avoir disparu de nos horizons européens mais elle rôde partout dans le monde. Les égoïsmes menacent nos pays. Quelle est donc la solution pour contrer ces mauvais vents ? La réponse chrétienne tient dans notre engagement de foi, notre espérance à mettre en Dieu et notre amour de charité à remettre sans cesse sur l’ouvrage.

Je prie en ce jour pour vous et pour moi afin que le Christ que nous venons chercher dans l’eucharistie mémorial du sacrifice du Christ mort et ressuscité atteigne le fond de nos cœurs et nous trouve disponibles pour Lui, pour nos frères et sœurs humains quels qu’ils soient.

Oui, que ce centenaire de l’Armistice renouvelle en nous notre volonté d’être des artisans de paix à la suite de Celui que toute la tradition chrétienne désigne comme le Prince de la paix. Songeons-y en communiant tout à l’heure !

Amen.

Père Stéphane AULARD