Homélie de Pâques

(Notre-Dame de Vincennes – 20, 21 avril 2019)

1-« Ils sont finis les jours de la Passion » dit la bénédiction solennelle et finale de la messe de Pâques : nous l’entendrons tout à l’heure. Et d’ajouter : « Suivez maintenant les pas du Ressuscité… Il vous a fait renaître : qu’Il vous rappelle toujours à cette joie que rien, pas même la mort, ne pourra vous ravir ! »

Lundi dernier à 18h50 tandis que se terminait à Notre-Dame de Paris comme dans beaucoup d’églises la messe du Lundi Saint, un feu a ravagé la cathédrale comme vous le savez. Quand j’ai entendu la nouvelle, je n’y croyais pas puis je me suis dit : « Encore un fou qui s’exprime à moins que ce ne soit un nouvel acte terroriste… » Je ne sais pas pourquoi j’ai immédiatement pensé aux propos du Général de Gaulle –grand chrétien- qui le 25 août 1944 dans un célèbre discours improvisé à l’hôtel de Ville de Paris dit : « Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! » Mais, c’est à la cathédrale qu’il entonna lui-même le chant du Magnificat, le chant de louange par excellence de la Vierge Marie et de toute l’Église d’âge en âge et de jour en jour…

« Paris brisé et Paris libéré » dit le Général…

Église de pierre brisée, abîmée, ravagée mais qui sera reconstruite car nous savons le faire, c’est vrai.

2-Mais, les baptisés de Pâques savent que la libération, la rédemption, le salut ne sont pas seulement de notre fait même avec les meilleures intentions du monde, même avec notre bonne volonté, même avec notre intelligence et notre grand cœur qui sait se montrer généreux.

Ils ont fait l’expérience d’avoir été cherchés et trouvés par plus grand qu’eux dans leur vie bouleversée, dans leur vie ouverte à Celui qui nous dépasse et pourtant s’approche si bien de nous.

Frères et sœurs, je l’ai dit à beaucoup d’entre vous venus se réconcilier avec Dieu dans le sacrement de pénitence aux abords de Pâques : souvenez-vous de Dieu comme de Celui qui vous aime depuis si longtemps, qui vous a touché le cœur et le tréfonds et l’âme depuis plus ou moins longtemps quelle que soit l’ancienneté de votre baptême. Tenez-vous à cela : le Ressuscité, le Vivant par excellence comme le dit le livre de l’Apocalypse, le Christ à jamais vivant, est Celui qui vous a étreint le cœur plus d’une fois comme Claudel le soir de Noël 1886 en entendant le Magnificat à Notre-Dame de Paris, comme ces détenus de la prison de Fresnes qui chaque année reçoivent les sacrements des mains de notre évêque parce qu’ils ont ouvert la Sainte Écriture, la Bible, durant leur incarcération et que Dieu s’est glissé par là pour les libérer en profondeur, en vérité. Nous aussi qui sommes là ce soir (aujourd’hui) par fidélité, par découverte, par curiosité peut-être : laissons-nous toucher encore par le Christ à jamais vivant et  !

Cette gloire n’est pas une illusion et ne nous fera aucun mal ; elle dilatera plutôt notre cœur trop soucieux de lui-même, de la crainte d’avancer comme autrefois les hébreux au bord de la Mer Rouge. Cette gloire est un feu qui ne consume pas, mais qui réchauffe les cœurs les plus endurcis ou revenus de tout : comme les pèlerins d’Emmaüs au soir de Pâques, laissez-vous réchauffer le cœur par Celui qui ne déçoit pas (cf. Luc 24,32).

3-Laissez-vous enseigner par Celui qui ne dort pas, Celui qui n’est pas couché dans le sommeil de la mort à jamais car la Résurrection, frères et sœurs, c’est le dynamisme même, la sève de Dieu, si je puis dire, qui est à l’œuvre depuis l’aube des temps dans l’acte de la Création, dans la transmission de la vie de génération en génération, dans la recherche de la beauté, du bien, du juste dont nous avons idée car cela vient de Dieu. Car cette transcendance de Dieu vient nous envahir pour s’établir en nous malgré le mal et le péché qui s’acharnent contre nous et voudraient nous avoir à force de nous solliciter.

Entrons dans la contemplation, dans le silence pour faire place au Seigneur. Entrons dans la méditation de la Parole du Seigneur. Je le disais encore à des enfants en les invitant à regarder Jésus crucifié sur la croix. « Regardez Celui qui nous dit : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime ! » (Jn 15,13) Regardez-le et n’oubliez pas cette autre parole de Lui : « Aimez-vous les uns les autres comme Je vous ai aimés. » (Jn 15,12) Pensez à Jésus ; mémorisez ses paroles ; répétez-les à l’infini au fond de vous quand vous êtes seuls, dans votre métro bruyant, quand vous en avez assez ! Écrivez-les comme le fit le grand Blaise Pascal sur un papier et cousez-les dans votre manteau comme un mémorial. Faites quelque chose pour le Seigneur et tenez-vous y. Laissez le Vivant prendre une grande place dans votre vie : c’est le meilleur moyen pour donner de la place, une belle place à ceux qu’Il nous donne comme pain quotidien de notre vie.

Oui, nous pouvons être étonnés jusqu’à la fin de notre vie par la résurrection de Jésus : les disciples comme les femmes au tombeau l’ont été avant nous. C’est bien la preuve que nous ne pouvons inventer cela et que nous avons du mal à le concevoir. Il ne s’agit pas tant de croire en la résurrection que d’accueillir le Ressuscité qui vient faire irruption en nos vies dans la Parole qui est la sienne car elle est éternelle, dans la prière, dans le baptême, dans la confirmation, dans le mariage, dans l’eucharistie et tous les autres sacrements qui sont des dons de la vie éternelle. Soyons en heureux et témoignons-en par notre engagement renouvelé au cœur de ce monde si dur mais si assoiffé de Dieu, n’en doutons pas !

Père Stéphane AULARD