Homélie pour la célébration de l’Armistice du 11 novembre 1918

(Notre-Dame de Vincennes – 11 novembre 2019)

1-Frères et sœurs, nous voici de nouveau réunis pour la célébration qui commémore l’Armistice du 11 novembre 1918. L’an passé a donné lieu à une célébration du centenaire qui aurait pu être une conclusion… Mais, n’est-il pas important de se souvenir des combats sanglants en priant le Seigneur afin que nous ne retombions plus dans des errements conduisant à de telles guerres mondiales embrasant de manière insensée les peuples ?

N’est-il pas important dans le recueillement de confier au Seigneur, quand on est croyant, chrétien, nos pères qui ont souvent sacrifié leur vie dès les premières heures du conflit et cela durant quatre années particulièrement sanglantes ?

N’est-il pas encore important de demander à Dieu qu’Il nous éclaire aujourd’hui afin de trouver en Lui la paix profonde qui nous empêche de désespérer quand nous voyons l’état de notre monde en proie à la haine comme hier, et aujourd’hui au terrorisme ravageur tout aussi haineux ?

Oui, que notre assemblée soit priante, compatissante pour toutes les victimes militaires et civiles d’hier et d’aujourd’hui ! Que notre assemblée soit suppliante pour que nos cœurs s’établissent en Dieu source de tout bien et de la véritable paix : celle que l’on s’efforce de vivre dans nos familles comme dans toutes nos relations !

Cette paix n’est pas signe de faiblesse : c’est au contraire la véritable force qui permet de construire un avenir pour nos enfants et nos peuples tentés par l’exclusion et la dureté qui enferment.

2-En parcourant les lectures bibliques de ce jour nous voyons combien la Parole de Dieu peut être éclairante car elle est la Sagesse même : celle qui est annoncée dès les premiers versets de la première lecture (Sagesse 1,1-7) extraits précisément de ce livre qui, dans l’Ancien Testament, porte son nom. Alors que la venue de Jésus Christ est proche le grand livre de la première Alliance (l’Ancien Testament) se conclut par cette magistrale réflexion. La sagesse n’est pas l’apanage de la Bible nous le savons. Les philosophes grecs qui constituent une de nos racines en Occident la recherchaient et l’héritage hébraïque au long de la Bible l’implore, la perçoit comme une des marques du Dieu vivant et unique. Il nous est dit en somme dans le bref passage que nous venons d’entendre que cette sagesse ne peut s’établir que dans des cœurs simples et ouverts à la transcendance et qui acceptent de se laisser façonner par elle. Si nous sommes ici ce matin à l’aube de cette journée de commémoration c’est bien parce que nous acceptons librement de nous ouvrir à elle sans superbe aucune pour nous laisser former par elle. En effet, les sages de nos jours ne manquent pas comme hier. Certains charlatans nous proposent des voies qui ne mènent à rien. La pensée biblique nous dit simplement : ouvre ton cœur, ouvre ton être et laisse-toi faire avec confiance, avec foi, par le Dieu qui vit en toi et que tu recouvres souvent de bien des scories inopérantes pour conduire ta vie.

La Sagesse de Dieu, pour nous chrétiens, c’est Jésus Christ lui-même, le Messie qui n’est pas un guerrier revanchard mais bien le « prince de la paix » (cf. Isaïe 9,5) que nous célébrons chaque année à Noël. La Sagesse c’est aussi l’Esprit Saint, le souffle vital de Dieu qui présidant à la Création, est sorti de la bouche du Christ pour s’établir dans les vies humaines qui savent plus ou moins consciemment que si elles ne s’ouvrent pas à ce souffle elles ne s’en sortiront pas car nous sommes durs, rancuniers, égoïstes. Pourtant dès que nous nous approchons de Dieu dans le recueillement de la prière intime, nous savons que ce Dieu que nous prions et cherchons pour ne pas sombrer dans le désespoir vit déjà en nous comme le plus intime de nous-mêmes (cf. Psaumes 138,1.7). Les témoignages de soldats comme de civils dans les guerres ne manquent pas et attestent que cette ouverture – souvent suscitée par la peur et la conscience que nous sommes fragiles – ont fait et font encore sortir bien des personnes du désespoir. Si nous sommes des chrétiens, soyons de ces femmes-là, de ces hommes-là qui ne veulent pas errer en fuyant le souffle de Dieu. Faisons encore et toujours cette expérience libératrice !

Le passage de l’Évangile nous ramène aussi à l’essentiel : nos relations avec les autres et avec Dieu. Les Français et les Allemands se sont réconciliés notamment grâce au Général de Gaulle et au Chancelier Adenauer qui à Reims le 8 juillet 1962 dans la cathédrale Notre-Dame quasi détruite pendant la Grande Guerre décidèrent ensemble qu’il fallait définitivement renoncer à la revanche et aux accusations mutuelles. C’est une des sources nous le savons bien de la paix entre les peuples de l’Europe aujourd’hui. Deux grands chrétiens avec sagesse ont accepté de renoncer à l’orgueil et ont permis à leurs peuples de se tendre la main. Nous percevons bien combien dans notre quotidien le renoncement à l’orgueil, l’acceptation de l’autre et des autres même quand ils nous paraissent bien différents peut constituer un premier pas vers un meilleur vivre ensemble et la réalisation de projets communs où personne ne sera frustré mais où nous pourrons construire un monde meilleur.

La page de l’Évangile de ce jour se termine par un vibrant appel à la confiance qui en langage chrétien s’appelle la foi. Jésus nous l’a promis et nous savons qu’Il ne saurait mentir : la foi en Lui peut nous faire « déplacer des montagnes » !

3-Je prie, frères et sœurs pour que dans cette eucharistie l’espérance pour aujourd’hui et demain nous soit communiquée par Le Seigneur de justice et de paix.

Je prie pour que chacun expose sa vie au Seigneur en lui demandant un surcroît de paix profonde car nous en avons tous besoin.

Je prie et vous invite à prier pour notre pays afin qu’il se pacifie et que tous s’acceptent. Je prie pour l’Europe et pour notre monde d’aujourd’hui que nous aimons et devons aimer.

Je termine par quelques lignes glanées dans la correspondance d’un soldat –Jean- écrites à sa fiancée –Michelle- alors qu’il allait passer en conseil de guerre parce qu’avec son escouade ils avaient reculé terrorisés devant les Allemands (cette lettre date du 3 décembre 1914) et qu’il risquait d’être exécuté :

« Je serais dans le désespoir complet si je n’avais la foi et la religion pour me soutenir dans ce moment si terrible pour moi. Car je suis dans la position la plus terrible qui puisse exister pour moi car je n’ai plus longtemps à vivre à moins que Dieu par un miracle de sa bonté ne me vienne en aide… J’ai la conscience tranquille et me soumets entièrement à la volonté de Dieu qui le veut ainsi…Pardonne-moi tout ce que tu vas souffrir par moi, ma bien-aimée, toi que j’ai de plus cher sur la terre, toi que j’aurais voulu rendre si heureuse en vivant chrétiennement ensemble si j’étais retourné près de toi, sois bien courageuse, pratique bien la religion, va souvent à la communion, c’est là que tu trouveras le plus de consolation et le plus de force pour supporter cette cruelle épreuve. »

Amen.

Père Stéphane AULARD