HOMÉLIE DU PÈRE STÉPHANE AULARD AU TEMPLE DE L’ÉGLISE PROTESTANTE UNIE DE FRANCE DIMANCHE 26 JANVIER 2020

HOMÉLIE AU TEMPLE DE L’ÉGLISE PROTESTANTE UNIE DE FRANCE

DIMANCHE 26 JANVIER 2020

Lectures :

Isaïe 8,23-9,3, 1 Corinthiens 1,10-13.17, Mt 4,12-23.

Frères et sœurs, laissez-moi vous dire combien je suis heureux avec les catholiques ici présents d’être venu à votre rencontre dans ce temple de l’Eglise protestante unie de France cette année encore.

Nous partageons de semaine en semaine le même cycle de lectures bibliques à méditer et hier soir les enfants qui se préparent à communier pour la première fois à ND de Vincennes étaient à la messe dans notre église.

J’aimerais vous partager ce que je leur ai dit et qui est le fruit de ma méditation des textes et en particulier de l’évangile qui nous est donné aujourd’hui.

Auparavant je voudrais aussi vous signaler que le pape François nous a donné une belle invitation : faire de ce dimanche proche encore de Noël, de l’Epiphanie et du baptême du Seigneur un dimanche dit de « la Parole de Dieu ». Cela tombe bien que je me trouve parmi vous au sein d’une communauté protestante. Vous savez sans doute que pendant longtemps -et du fait en particulier de nos divisions historiques- les catholiques étaient en somme assez méfiants envers non pas la Parole de Dieu consignée et transmise dans la Bible mais sur la façon de la lire. Pour nous il n’y avait de lecture possible qu’en Eglise, c’est-à-dire au sein de l’assemblée dominicale. Pourtant, nos prédécesseurs donnaient souvent des sermons et il faut bien reconnaître que souvent ils tenaient un discours (c’est le sens du mot sermo en latin) sur un sujet qui leur tenait à cœur et la plupart du temps à forte connotation morale. Ce temps est normalement révolu et le concile Vatican II a invité les prédicateurs à offrir aux fidèles une homélie (du grec laléô qui signifie parler). Il s’agit en effet de faire parler le texte biblique aux oreilles qui veulent bien l’entendre et surtout de l’écouter du fond du cœur. Il s’agit en somme, comme j’aime à le dire, de laisser à Dieu la possibilité de parler à notre être qui se rend disponible à Lui.

Dans ce passage évangélique, nous avons les premières paroles de Jésus dans son ministère public. Les parents d’un petit enfant lorsqu’il commence à parler se souviennent souvent des tout premiers mots que leur enfant a prononcés alors qu’ils ne s’y attendaient pas. Parfois, c’est tellement déconcertant qu’ils les notent pour ne pas les oublier et cela les touche à jamais.

Ici, Jésus n’est plus enfant. Il a commencé à faire ses premiers pas d’homme adulte, au faîte de sa maturité et surtout il débute son activité messianique, son « ministère public » comme on le dit souvent… Et, il prononce précisément ses premières paroles qui constituent aussi selon Matthieu sa première prédication. Elle est d’ailleurs brève :

« Convertissez-vous, dit-il, car le Royaume des cieux est tout proche. » (Mt 4,17). L’évangéliste précise même : « A partir de ce moment, Jésus commença à proclamer… » (Ibid.). Ce qui pourrait signifier qu’il a donné cette prédication essentielle dans sa concision plus d’une fois.

Ce verset nous est cher car dans la liturgie catholique il accompagne un rite que nous accomplissons chaque année en ouverture du Carême, le Mercredi des cendres lorsque nos fronts sont marqués d’une petite croix avec de la cendre, certes pour nous rappeler notre finitude, mais surtout pour nous indiquer que l’homme est toujours appelé à se convertir au Royaume des Cieux précisément dans sa finitude et c’est cela qui fait sa grandeur.

Dans notre pays aujourd’hui « se convertir » signifie souvent adopter une religion ou en changer. Vous le savez bien dans l’existence chrétienne la conversion, la métanoia (encore un mot grec qui signifierait plutôt littéralement notre changement d’esprit, le bouleversement de notre être), c’est le programme de notre vie. Quant à l’entrée dans le Royaume des Cieux, ce n’est pas seulement la promesse que dans l’au-delà de notre existence nous entrerons dans le Ciel image de la rencontre pleine et définitive avec notre Dieu. C’est d‘abord la vie à la manière de Jésus Christ.

Notre programme, c’est d’apprendre à vivre à la suite du Christ. N’est-ce pas ce qui se passe dans la suite de cette page d’évangile et que nous décrit Saint Matthieu ? En effet, que se passe-t-il ? Jésus rencontre deux fois deux frères Simon et André puis Jacques et Jean. Je ne sais pas si vous vous êtes déjà demandé comment peut-on suivre quelqu’un et tout quitter sur un simple appel ? On nous dit si souvent qu’il ne faut pas suivre n’importe qui ! Et puis, en France nous sommes bien prévenus que les sectes rôdent et qu’il ne faut pas être crédule ; donc ne pas suivre bêtement le premier qui vient vous enrôler avec des paroles captatrices…

J’aime à croire, moi, que les futurs apôtres de Jésus avaient entendu la prédication de Jésus (« Convertissez-vous… »).  Ils attendaient le Messie d’Israël. Toute leur personne, comme la plupart de leurs contemporains, espérait la venue d’un Messie qui leur permettrait de bouter hors d’Israël l’ennemi du moment, les Romains assoiffés de conquêtes et si peu respectueux des usages des Juifs.  Et voilà que Jésus non seulement a rejoint leur attente, mais il les a bouleversés et ils sont maintenant mûrs pour entendre cet appel : « Venez à ma suite et je vous ferai pêcheurs d’hommes. »(Mt 4,19)

Je crois que Jésus par son style de vie, sa liberté de ton, ses paroles comme ses faits et gestes est fascinant ; il est disponible, à l’écoute, il aime gratuitement. Il ne veut que servir la dignité de l’homme dont il sait qu’il a été créé à l’image et à la ressemblance du Dieu vivant. Et Il veut donc manifester cela au grand jour pour que l’être humain s’accomplisse pleinement dans sa personne comme dans ses relations avec autrui. Combien de fois dit-il ou fait-il sentir, dans les évangiles, aux personnes qu’Il rencontre sans jamais les sélectionner, « Tu n’es pas loin du Royaume » (cf. Mc 12,34).

Alors que conclure, frères et sœurs, amis protestants et catholiques ?

Et si nous laissions résonner en nous ce verset évangélique aujourd’hui…

Et si dans le cœur à cœur de la prière, dans le silence, nous laissions à la parole du Christ la chance de nous toucher le cœur alors que si souvent nous avons le sentiment intérieur que nous sommes bien loin de Dieu dans les choix que nous avons à faire, dans la vie que nous menons au jour le jour, dans l’environnement si complexe qui est le nôtre : « Convertissez-vous, car le Royaume des Cieux est tout proche. » Amen.

                                                                                                              Père Stéphane AULARD

Approfondir votre lecture