Édito du Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur

« Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu ! »

En cette fête des Rameaux l’Église nous invite à ouvrir l’évangile de St Matthieu et à porter notre regard sur deux épisodes charnières de la vie du Christ : son entrée triomphale à Jérusalem et sa passion douloureuse.
Comme chacun sait, St Matthieu n’est pas journaliste, il ne nous fait pas un reportage des événements. Il nous livre son témoignage de croyant. Il veut nous rendre spectateur. Il nous propose une belle catéchèse en nous montrant comment Jésus vient accomplir les écritures, comment son attitude devant les pires humiliations , les pires trahisons, face au pire supplice le révèle et confirme sa parole

Il est le Roi qu’on acclame
Une foule nombreuse et joyeuse agite des rameaux, jette des manteaux et des branchages sous ses pas en criant « Hosanna ! Hosanna au fils de David  !» Elle veut le remercier pour ses miracles, la qualité de son accueil et de son enseignement. Elle le reconnaît comme le Messie attendu, elle souhaite qu’il prenne les rênes du pays
Il arrive en toute simplicité sans costume d’apparat, sans garde, sans valet. Il avance au milieu d’une multitude qui peut l’entendre et l’approcher. Il n’a pas choisi le plus beau cheval de la contrée, il est monté sur une petite ânesse suivie de son ânon.
Tout le monde ne partage pas cet enthousiasme… Certains se méfient de ce nouveau prophète qui en prend à son aise avec loi de Moïse, qui critique le Temple et ses serviteurs, qui se prétend « envoyé de Dieu ». D’autres s’interrogent, pourquoi monte t-il à la capitale en ces temps de la pâque ? D’autres cherchent à le faire disparaître.

Il est le Seigneur, le Maître qui ne demande pas qu’on s’apitoie mais qu’on se détermine.
Il commande le repas de la Cène, il institue l’Eucharistie : « Prenez et mangez ! » « Buvez-en tous ! » il dénonce le complot qui se trame « L’un de vous va me livrer ! »
Il ne se laisse pas faire quand on vient l’arrêter : « Suis-je donc un bandit pour que vous soyez venus avec des bâtons et des épées? »
Il garde le silence quand toute parole semble superflue : devant les défections de Judas et de Pierre, devant tous ces gens qui viennent de l’ovationner et qui maintenant le condamnent, face à ces notables religieux et civils qui réclament sa mort, face à la bêtise et à la brutalité de ses bourreaux.
Il ne craint pas d’affirmer haut et fort son identité et son titre devant Pilate, le gouverneur romain qui a le pouvoir de le libérer et de le mettre à mort : « Es-tu le roi des juifs? » « C’est toi-même qui le dis . »
Il est la victime innocente devant qui ce même Pilate méprisant et cruel perd sa superbe, se met à douter et à regretter, se lave les mains en s’écriant devant l’assemblée : « Je suis innocent du sang de cet homme : cela vous regarde ! »

Il est le Fils bien aimé du Père à qui il a tout donné
Sitôt le repas de la cène terminé, il se retire à l’écart au jardin de Gethsémani pour lui confier son amour, ses craintes et sa disponibilité :  « Père, si c’est possible que cette coupe passe loin de moi ! Cependant non pas comme je veux mais comme toi, tu veux. » « Que ta volonté soit faite ! »
Aux soldats venus l’arrêter il déclare qu’il se livre en toute liberté. Il admoneste un de ses amis qui tient à le défendre et qui a tranché l’oreille d’un serviteur du grand prêtre : « Rentre ton épée ! Crois-tu que je ne puisse faire appel à mon Père ? »« Il pourrait mettre à ma disposition plus de douze légions d’anges. »
Devant le sanhédrin qui a fait venir des faux témoins, qui se essaie de trouver une raison de le condamner, il décline sa filiation, signe son arrêt de mort en répondant au grand prêtre : «  Je t’adjure dis-nous si c’est toi qui es le Christ, le Fils de Dieu ? » « C’est toi-même qui l’as dit ! Vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir sur les nuées du ciel. »
Seul sur la croix, serviteur souffrant décrit par le prophète 1saïe, les bras étendus, à bout de forces, mis au rang des malfaiteurs, après avoir subi le torrent d’injures et de moqueries venu des passants, des prêtres et des scribes dans une dernière phrase il clame sa détresse, réaffirme sa confiance : Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Ce vendredi soir, l’aventure du Christ semble bien terminée… La haine triomphe de l’amour. Il ne reste plus grand monde au pied de la croix. Les enragés et les badauds sont partis . Seules quelques femmes fidèles se recueillent et se souviennent. La sabbat approche … On se presse , on fait des démarches. Il faut ensevelir ce corps meurtri, icône de Dieu. .. L’obscurité couvre la terre, le sol tremble et se fissure.
A la vue de ces événements, St Matthieu nous dit que les gens sont saisis d’une grande crainte, qu’il n’y a que le centurion romain de service et ses hommes qui comprennent, qui s’expriment «  Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu ! »
Sa petite observation sonne comme un appel, une demande. Saurons-nous trouver les mots et les gestes pour y répondre ?

Père Roger Marchand