Édito de dimanche 18 octobre

« Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu »

La phrase de Jésus est devenue tellement courante qu’elle a aujourd’hui l’honneur des pages roses de nos dictionnaires. Ce proverbe qui nous incite à rendre à chacun selon son dû risque pourtant d’être mal compris, ou tout du moins de façon incomplète.
A chacun ce qui lui revient, cela revient à dire qu’il existe deux domaines bien distincts: celui de César et celui de Dieu. L’un politique, l’autre religieux, sans lien apparent puisque ce qui concerne l’un se détourne de l’autre. De la même manière, nous qui répondons à l’appel du Christ, sommes-nous seulement concernés par la seconde partie de la phrase: « Rendez à Dieu ce qui est à Dieu »? Il n’en est rien. Et pour bien le comprendre, il faut se remettre dans le contexte dans lequel Jésus nous parle. Tout d’abord, il existe à son époque une union étroite, tant dans le monde païen que dans le monde juif, entre le politique et le religieux. Ensuite, il existe un lien entre la monnaie et le pouvoir: selon un principe communément admis: le domaine où s’exerce le pouvoir d’un roi est semblable à celui où sa monnaie a cours. C’est pourquoi les interlocuteurs de Jésus étaient plutôt dans l’attente d’un messianisme politico-religieux. Si Dieu par son Messie, voulait affirmer sa puissance, il devait en passer par le politique. La puissance terrestre était alors le gage de la puissance céleste. Pourtant ce lien existant entre la monnaie et le pouvoir posait un cas de conscience aux Juifs. Ils devaient en effet payer l’impôt en monnaie à l’effigie de l’Empereur; agir ainsi n’était-ce pas reconnaître la souveraineté de ce dernier sur Israël alors que pour les Juifs, le seul vrai roi de leur peuple était Dieu? C’est alors que l’idée du piège tendu à Jésus peut naître : « Est-il permis ou non de payer l’impôt à César? » Si Jésus répond par la négative, il est facile de le dénoncer à l’autorité romaine, s’il répond par l’affirmative, aux yeux du peuple qui attend une libération nationale, il perd tout crédit et renonce à se poser comme le Messie venant réaliser ses espérances. C’est cette logique que Jésus est venu balayer.
Enfin en invitant à rendre à César, qui comme tout homme sera jugé par Dieu, ce qu’il peut demander en fonction de ses responsabilités, Jésus désacralise le politique. Il rend le politique à lui-même sans le laisser pour autant sans commune mesure avec l’Evangile. Jésus nous appelle à vivre notre vie, y compris notre vie politique, dans la fidélité à Dieu qui s’est manifesté en lui. Il nous demande de vivre le politique dans la fidélité aux inspirations et à l’esprit de l’Evangile. Comme il appelle l’Église à remplir, non pas une fonction de domination par rapport au politique mais un service prophétique et évangélique qui trouvera son efficacité dans la conversion de notre cœur.
En un mot et en regardant pour cela saint Augustin, sachons rendre à chacun son image, à César son effigie et à Dieu son icône vivante, le Christ qui vit en chacun de nous. Dieu nous réclame son image. Nous sommes à l’image de Dieu. Offrons-nous nous-mêmes et toute notre vie.

Père Jean-Marie SORO