HOMELIE POUR L’INSTALLATION DU PERE ARNAUD BONNASSIES

 CURE DE ND de SAINT-MANDE et DE SAINT LOUIS DE VINCENNES

(Dimanche 9 septembre 2018 – Notre-Dame de Saint-Mandé)

Chers amis,

Cher Arnaud,

Nous nous connaissons depuis peu et j’ai déjà perçu chez toi tes qualités relationnelles. En discutant avec toi j’ai aussi compris à la fois ton fort engagement au service de la Communauté du Chemin Neuf (en particulier dans l’organisation du festival des jeunes à Hautecombe) et ta mobilité qui t’a permis de circuler pas mal en France et en dehors de France. Toi qui es originaire de l’Essonne, tu sais combien la région parisienne est une terre contrastée concentrant populations, cultures et religions à un très haut niveau.

Ici, à Saint-Mandé comme à Vincennes –j’en profite pour  saluer les élus qui nous font la joie d’être présents à cette célébration d’installation du nouveau curé de ND de Saint-Mandé et de Saint Louis de Vincennes- tu te trouves à la périphérie de Paris si proche. La périphérie si chère à notre pape François qui la loue et qui entraîne l’Eglise à se mettre à son service. Il parle d’ailleurs plutôt de périphéries au pluriel : périphéries sociales, existentielles et sans doute aussi spirituelles (cf. Discours du Cardinal Bergoglio durant le conclave, Homélie de la messe chrismale à Rome en 2013…).

Vous avez sans doute remarqué frères et sœurs l’énumération géographique en tête de la page d’Evangile que nous venons d’entendre (Marc 7,31): à elle seule elle nous en dit long sur la « mobilité » de Jésus « L’homme qui marche » comme le disait si finement Christian Bobin dans un livre qui porte ce titre :

« Sans arrêt il marche. Il va ici et puis là. Il passe sa vie sur quelque soixante kilomètres de long, trente de large. Et il marche. Sans arrêt. On dirait que le repos lui est interdit. »

Oui, il marche Jésus, mais il est entouré de ses disciples et ses pas le conduisent du Liban (Tyr et Sidon) jusqu’à la Décapole (dix villes au nom grec) région réputée païenne. C’est là que Jésus rencontre le sourd-muet auquel il impose les mains et qu’il guérit de son mal.

Un récit de miracle de plus, me direz-vous ! Les Français que nous sommes, fils et filles des païens évangélisés aussi bien par l’ermite breton Saint Maudez (Mandé) dont la renommée est venue jusqu’ici que par le roi Saint Louis à la spiritualité franciscaine, sont souvent dubitatifs face à ce type de récit et ils résistent à la foi chrétienne au nom de la rationalité qu’ils cultivent à l’excès tandis qu’ils ne sont pas forcément insensibles à  la personne de Jésus ou au témoignage vivant et à la charité active de ses disciples.

Je ne m’écarte pas de l’Evangile de ce jour car

les gestes de Jésus sont précisément ceux que les prêtres,

les curés de paroisse en particulier, sont amenés dans leur ministère quotidien à faire et à refaire :

imposer les mains…, comme Jésus ;

inviter les chrétiens à lever les yeux vers le ciel sans pour autant oublier d’avoir les pieds sur terre, bien sûr ;

écouter la misère et les peines des uns et des autres à l’écart par respect des personnes et pour laisser au Seigneur la possibilité de nous rejoindre dans le calme que beaucoup recherchent ardemment dans nos villes où les églises restent des havres de paix.

Cher Arnaud, tu le sais,

l’imposition des mains, les gestes apaisants de Jésus, les paroles libératrices (« Ephata » : ouvre-toi),

nous ne cessons au cours de notre ministère en particulier paroissial de les faire et refaire, de les dire et les redire puisque le Christ nous l’a demandé.

Ce qu’Il demande au curé d’une paroisse – celui qui a cure d’âmes, celui qui a le souci de tous et pas seulement des baptisés, celui qui prend soin comme un pasteur qui connaît l’odeur de ses brebis (cf. Evangelii Gaudium, n° 24) comme nous l’a rappelé le pape François-

Il le demande aussi aux autres prêtres, les vicaires comme on dit, notre cher Père Luc, aux membres de ta communauté qui s’est implantée depuis quelques années à Saint-Mandé et à Vincennes après un dialogue fécond entre le Père Laurent Fabre et notre évêque Mgr Michel Santier.

Le signe sacramentel de l’ordination ne nous met pas à part, bien au contraire : nous sommes envoyés vers nos frères et sœurs pour être signe du Christ pasteur, berger qui conduit avec douceur et patience. Nous savons tous que notre Eglise est malmenée par de mauvais témoignages de prêtres qui ont failli dans cette mission. Je veux dire ici ce matin que cela est déplorable : au lieu de dénouer, de libérer, d’ouvrir, d’accompagner, certains, dans le corps sacerdotal, ont noué, sali, enfermé, obstrué l’accès à Dieu et le service de l’humanité sauvée dans le sang du Christ. Nous le déplorons sincèrement car cela rejaillit sur tout le corps de l’Eglise accusé d’hypocrisie et de malhonnêtetés en tous genres.

Mais, frères et sœurs, par pitié n’accusons pas tous les prêtres, les « curés », comme on dit souvent de façon un peu triviale en France. Que la suspicion  qui nous touche tous en ce moment nous incite à une plus grande qualité de vie fraternelle simple, juste, bref évangélique.

Ce que je viens de dire aux prêtres vaut, je vous l’assure, pour chaque baptisé et confirmé :

que notre règle de vie soit la passion de l’Evangile, la contemplation du Christ et le service désintéressé de tous. Il me semble que cela nous rappelle le synode diocésain dont nous vivons puisqu’il s’est achevé il y a deux ans :

« Avec Lui, le Christ prenons soin les uns des autres et partageons à tous la joie de l’Evangile ! »

Merci à tous et à chacun pour votre présence et votre prière aujourd’hui.

Faisons corps comme nous savons le faire si bien dans notre secteur pastoral de Saint-Mandé- Vincennes

(pensons à notre beau pèlerinage de secteur le 8 avril dernier)  non pour resserrer les rangs,

mais pour trouver

dans le Christ la tête du Corps, dans l’Esprit Saint la sève ardente ou le sang nouveau qui l’irrigue et portons nous comme des frères et sœurs vers les autres dans la décapole de nos villes qui nous passionnent tant.

Amen.

       Père Stéphane AULARD