Homélie pour la messe de Noël

(Notre-Dame de Vincennes)

Nous voici rassemblés très nombreux, comme chaque année, pour célébrer Noël.

C’est une tradition. C’est un moment de retrouvailles familiales. C’est l’occasion de se réjouir en particulier avec les enfants qui font renaître chez les anciens un surcroît d’espérance et d’énergie et chez les plus jeunes signent la fécondité de leur amour.

Noël, c’est un instant, c’est un commencement, certes puisque nous célébrons la naissance de Dieu Enfant, Jésus Christ le Fils éternel qui est venu embrasser l’humanité appelée à se découvrir aimée de Dieu. Comme tout commencement Noël appelle une suite, une histoire : celle de Jésus Christ et celle de ses disciples –ceux et celles qui acceptent librement de se laisser traverser par son Evangile, heureuse nouvelle- .

Nous sommes les disciples de Jésus Christ : peut-être pas tous ici –soyez les bienvenus si c’est votre cas-. Je constate depuis plusieurs années que beaucoup de personnes autour de Noël sollicitent les prêtres pour des entretiens et des confessions de  plus en plus sérieuses voire inquiètes : à quoi cela sert-il de naître et de vivre ? Qu’est-ce qu’aimer en vérité ? Où se trouve véritablement le sens de notre existence et Dieu peut-il offrir un sens, une joie durables à ce que nous nous essayons de construire ?

Dans le récit de la naissance de Jésus rapporté par l’évangéliste Saint Luc (Lc 2,1-14) et qui est lu depuis si longtemps dans les églises au point que nous croyons en connaître tous les détails par cœur, avez-vous remarqué ce que dit la troupe céleste d’anges (ange est un mot grec qui pourrait se traduire en français par : messager) ? Les messagers du ciel disent ceci qui est devenu le commencement de notre hymne dite du « Gloire à Dieu » dont on jeûne à deux reprises dans l’année durant l’Avent et le carême pour que les solennités de Noël et de Pâques n’en soient que plus rehaussées :

« Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’Il aime »

Nous avons remarqué avec l’équipe de catéchèse qu’aujourd’hui les anges reviennent dans des séries télévisées de toutes sortes alors même que Dieu semble si absent. Quel est le message des anges de Noël ? Il est double puisqu’ils célèbrent la gloire de Dieu comme un chant mais ajoutent immédiatement un souhait en direction des humains : « paix aux hommes »

Serait-ce donc que la gloire de Dieu ne s’exprimerait jamais tant que lorsque les hommes se décident à baisser les armes ? En cette année de commémoration de l’Armistice de 1918 on a rappelé ces fraternisations et trêves de Noël durant la première Guerre mondiale. Heureuse initiative à laquelle adhérèrent semble-t-il davantage nos amis belges, anglais, canadiens que nous autres les français…

Pour le moment ce qui nous intéresserait chez nous, ne serait-ce pas cette fraternisation et ce refus de la violence verbale ou physique bien sûr ? Y compris sur ce que l’on appelle pourtant d’une jolie expression qui pourrait faire rêver : les « réseaux sociaux ».

Voyez-vous ce que dit l’Évangile autour de la naissance de Jésus c’est le fondamental chrétien : la gloire, la lumière, la réussite de Dieu c’est la paix qu’Il peut communiquer aux hommes, ses créatures voulues à son image et à sa ressemblance donc pleines de sa bonté et de son amour incommensurables. Je me dis quelquefois : Qu’est-ce que ce serait si la Nativité et le passage du Dieu qui fait le bien comme dit le Nouveau Testament (Cf. Actes 10,38) n’était pas arrivé ? Nous serions peut-être entièrement rendus à l’état bestial… Et pourtant, je vous l’accorde il y a vraiment des progrès à faire pour que la lumière apportée par le Seigneur ne soit pas mise en échec !

La fin du chant céleste dit ceci qui n’est pas facilement traduisible –il y a plusieurs hypothèses selon les manuscrits et les interprétations qui s’ensuivent :

« Paix aux hommes qu’Il aime » ou « Paix aux hommes de bienveillance » (autrement-dit « de bonne volonté ») ou encore : « Paix aux hommes : la bienveillance »

Les enfants qui ont réalisé la crèche de notre église ont souhaité mettre une collection d’anges dans les sapins. Je pense qu’ils ont aussi compris que les anges ont des ailes pour manifester qu’ils sont des créatures célestes toutes proches de Dieu missionnées par Lui pour venir à notre rencontre par petites touches. Mais s’ils viennent à notre rencontre nous adresser comme un baiser divin, c’est pour que nous nous en emparions sérieusement et que cela nous donne à notre tour des ailes et nous fassions porte-parole, messagers divins auprès de nos frères.

Je sais, frères et sœurs, que l’époque est difficile, que les relations humaines sont rudes : allons-nous, comme chrétiens, baisser les bras ou bien, en célébrant la gloire du Dieu vivant à Noël, devenir ces artisans angéliques qui tissent des fils de paix, de bienveillance chez eux et autour d’eux ?

Je sais que l’on tient les chrétiens tantôt pour des hypocrites et encore plus souvent pour des illuminés n’ayant décidément pas les pieds sur terre : mais la mission chrétienne a toujours été de tenir la tête dans le ciel et d’avoir les pieds sur terre : vous voyez pourquoi vous êtes des anges pas seulement du fait de vos beaux cheveux bouclés ! Par votre baptême, Dieu vous a confirmé combien il tient à vous. Il vous missionne en même temps qu’Il vous configure à son Fils.

Noël n’est donc ni un mythe, ni une parenthèse dédiée aux pâtissiers –même si nous aimons cela-. Noël, c’est la paix de Dieu en germe. Célébrer Noël c’est se remettre au Dieu Prince de paix qui fait de nous des messagers divins : oui, c’est cela ! Pensons-y tout à l’heure en échangeant ce que nous recevons dans cette messe. Pensons-y en communiant. Pensons-y ces jours-ci en nous réunissant autour de la crèche ou en allant visiter les nôtres ou des personnes isolées.

Joyeux Noël à tous.

Père Stéphane AULARD