HOMÉLIE DU MERCREDI DES CENDRES

HOMÉLIE DU MERCREDI DES CENDRES

(ND de Vincennes – 6 MARS 2019)

 

1-Merci frères et sœurs d’être là ce soir en cette semaine de vacances scolaires signe de dispersion pour certains et en ce jour de travail pluvieux qui nous inviterait à rentrer au chaud chez nous plutôt qu’à nous attarder dehors.

Nous ne sommes pas vraiment dehors puisque nous sommes à l’église, la maison de l’assemblée chrétienne et la maison de Dieu qui aime rassembler les générations, les personnes dans la diversité de leurs situations sociales, culturelles, politiques. Le livre de Joël (Jl 2,16) nous rappelle cela très bien en nous invitant à constituer devant le Seigneur une assemblée toujours prophétique de ce que pourrait être notre société si elle acceptait non pas seulement de tergiverser ou légiférer sur le « vivre ensemble », mais à s’y essayer patiemment avec, pour nous chrétiens,  la grâce que Dieu nous offre d’y parvenir.

C’est le Carême et c’est le Mercredi des cendres : les cendres cela n’a rien d’esthétique et cela nous rappelle tellement d’horreurs : incendies de forêts et tortures de personnes brûlées pour mieux les éliminer et les éradiquer de la mémoire des hommes…  Mais aujourd’hui les cendres sont refroidies rappelant la précarité de notre existence vouée à la mort. C’est pourtant sur nos fronts qui ont été oints de saint-chrême à notre baptême et notre confirmation que vont nous être imposées les cendres. Fragilité et grandeur de notre condition humaine… Consentons-y dans le Seigneur!

C’est le « moment favorable » dit Saint Paul aux Corinthiens  (2 Co 6,2) qui étaient de jeunes chrétiens indociles, jaloux les uns des autres, inconstants, prêts à se rendre au dernier qui a parlé parce qu’il serait un apôtre brillant par son verbe haut ! (cf. 2 Co 11,5)

Le carême est dans l’année liturgique un temps de grâce puisqu’il s’agit de célébrer à la fin de cette période notre renaissance dans le Christ ressuscité à Pâques.

2-Oui, le carême nous invite à un entraînement spirituel image si présente chez le même Saint Paul mais aussi chez nos grands ancêtres chrétiens qui finissaient souvent dans les amphithéâtres et autres arènes sportives. Ils avaient retourné ce qui était souvent leur supplice en image du combat chrétien, véritable entraînement spirituel qui mérite sacrifices, endurance, générosité, don de soi sans faux semblant, sans dopage pour attendre la récompense, la couronne du vainqueur (cf. 1 Co 9,24-27).

Notre carême c’est cela frères et sœurs : un entraînement qui exprime une volonté de conversion : il s’agit de « revenir au Seigneur » (cf. Jl 2,12), de se laisser renouveler, d’accepter que Dieu nous lave une fois encore et nous purifie l’âme pourtant déjà purifiée dans le baptême que beaucoup d’entre nous ont reçu dès leur plus jeune âge !

Le réalisme chrétien c’est bien cela : nous avons été baptisés et plongés dans la puissance du mystère pascal accompli dans le Christ : le péché et la mort ne sauraient avoir le dernier mot dans nos existences qui ont choisi de suivre le Christ vainqueur et pourtant le péché est là. Notre cœur est versatile, nos humeurs assassines, notre orgueil ou notre hypocrisie sont indéniables. Tous nous en sommes là et notre société entière semble se complaire dans le déni de fraternité, la course au mensonge ou le goût du paraître élevé au rang de religion. Même l’Eglise n’échappe pas aux pièges du séducteur –le diable- et l’actualité semble chaque semaine nous rapporter une turpitude supplémentaire comme pour nous convaincre que décidément « tout est pourri » !

3-Alors, puisse ce carême nous inciter à davantage de bienveillance fraternelle.

Puisse ce carême nous donner le goût d’entourer les candidats catéchumènes au baptême qui ont souvent déjà vécu un véritable retournement spirituel dans leur vie en découvrant la foi des chrétiens.

Puisse ce carême être synonyme de vérité : sur nous-même d’abord en confessant notre péché (la journée annuelle du pardon le 6 avril sera le moment de faire cette démarche salutaire). Vérité dans nos relations et vérité avec Dieu.

De ce point de vue, Jésus en reprenant les grandes attitudes héritées de la tradition juive dans l’extrait du Sermon sur la montagne que nous lisons chaque Mercredi des cendres (Mt 6,1-6.16-18) nous enseigne le moyen d’avancer dans cette vérité :

En partageant et non pas en sacrifiant perpétuellement à la déesse consommation comme si le « pouvoir d’achat » -expression terrible si l’on y songe bien- pouvait définir ce qu’est un citoyen, a fortiori un chrétien ! La campagne de carême proposée par le CCFD nous dit : « Pour vaincre la faim devenons semeurs de solidarité. » Le CCFD et tant d’autres œuvres invitant au partage nous sollicitent tout en nous invitant toujours à l’engagement raisonnable qui peut être le nôtre : réfléchissons-y !

La prière, frères et sœurs : comme cela est difficile même lorsqu’on a le sentiment d’avoir appris et remis cent fois le métier sur l’ouvrage. Le cœur à cœur consenti, l’adoration silencieuse, la prière d’intercession où l’on fait simplement défiler devant le Seigneur sans commentaire les noms des personnes qu’on Lui confie, c’est cela qu’il faut cultiver.

Le jeûne semble retrouver sa place alors que nous n’y consentions guère si ce n’est pour manger quelques protéines de poisson signe d’abstinence à la place d’autres protéines carnées ! Le jeûne à l‘heure du bio et des régimes « détox » n’est pas là pour nous centrer encore un peu plus sur notre personne mais pour nous décentrer de nous-mêmes en nous orientant résolument sur le Seigneur et notre prochain qu’Il nous confie tant que nous sommes sur cette terre.

Je conclus, frères et sœurs, avec une proposition d’effort : si pendant ce carême nous jeûnions de nos téléphones portables à table en famille, entre amis, entre collègues en oubliant momentanément de consulter nos messages ou d’envoyer des textos, nous pourrions alors nous redécouvrir, nous regarder vraiment. Nous pourrions nous découvrir mutuellement, échanger en profondeur et avec générosité et cela nourrirait ensuite notre action de grâce.

Oui, le carême peut être un véritable temps de grâce dans notre quotidien et c’est ce que nous pouvons nous souhaiter les uns les autres : un calendrier sommaire de tout ce que nous vous proposons durant ces quarante jours figure sur nos feuilles paroissiales. J’attire votre attention sur le parcours Alpha qui redémarre le 13 mars. Ce parcours chrétien convivial, fraternel peut encourager notre foi qui a peut-être besoin d’être réveillée, entretenue. Venez-y seul, avec un parent, un ami, un voisin. Le Seigneur vous y attend sans doute.  Amen.

                                                                                                          Père Stéphane AULARD